Un baromètre montre que la mixité est encore loin d’être au rendez-vous dans le domaine de l’IA. Alimentée par des stéréotypes de genre et un accès limité aux filières scientifiques, cette situation engendre des biais algorithmiques renforçant les inégalités sociales.

A l’occasion de la présentation du baromètre, Laura Hassan directrice de l’Epitech, s’engage à combattre la sous-représentation des femmes dans le secteur de l’IA. (Crédit photo: Epitech)
Le constat était prévisible, mais c’est toujours mieux d’avoir des chiffres pour observer que le secteur de l’IA souffre d’un manque de mixité. C’est ce qui ressort du baromètre européen sur l’IA réalisé par Join Forces and Dare (JFD) où les femmes représentent seulement 26,3 % des effectifs en IA en Europe et 22 % à l’échelle mondiale. Cette inégalité se reflète également dans les postes de responsabilité, où seulement 29 % des responsables IA en Europe sont exercés par des femmes.
Des obstacles dès le plus jeune âge
Ce déséquilibre s’explique en partie par un manque d’accès et d’intérêt des jeunes filles pour les filières STGM (sciences, technologie, génie, mathématiques). En effet, la part des femmes diminue de 18 % entre le secondaire et l’université et de 15 % entre l’université et le marché du travail. Cette tendance est renforcée par des stéréotypes de genre persistants, qui influencent dès le plus jeune âge l’orientation scolaire et professionnelle des filles.
Selon l’étude, 82 % des sondées affirment avoir été confrontées à des stéréotypes de genre durant leur éducation. 64 % ont été orientées vers des études en sciences humaines, 44 % ont été jugées moins compétentes que les garçons en mathématiques et 21 % ont été découragées de suivre cette voie par leurs enseignants et parents. « Il est crucial de former l’imaginaire des enfants, en particulier des filles, à l’IA et à la robotique dès l’école primaire. Après, il est déjà trop tard », souligne dans l’étude Laurence Devillers, professeure d’IA et d’éthique à l’Université Paris-Sorbonne et chercheuse au LIMSI CNRS.
L’impact des biais algorithmiques sur la société
L’impact des biais algorithmiques sur la société est profond, notamment en raison du manque de diversité dans le développement des technologies d’IA. Bien que 65 % des entreprises interrogées aient un responsable IA au sein de leur comité exécutif, seulement 29 % de ces responsables sont des femmes. Au niveau mondial, les femmes représentent 12 % des chercheurs en IA et en Europe, seulement 13,3 % des directeurs de départements de recherche en IA.
Ce manque de mixité dans les équipes de développement d’IA entraîne des conséquences significatives sur l’équité des technologies. Sans représentation féminine, les algorithmes risquent de reproduire et d’amplifier des biais existants. Par exemple, le générateur d’images Stable Diffusion produit seulement 3 % d’images de femmes lorsqu’il est demandé de représenter des juges, alors que les femmes représentent entre 35 et 40 % de cette profession aux États-Unis. De même, Amazon a dû abandonner un outil de recrutement favorisant les CV masculins, et Apple a omis d’inclure un suivi menstruel dans sa première application santé. Ces exemples illustrent l’urgence de renforcer l’inclusion des femmes dans le développement de l’IA pour garantir des innovations plus équitables et mieux représentatives de la société.
Des initiatives pour rééquilibrer la situation
Face à ce constat, plusieurs initiatives visent à rééquilibrer la présence des femmes dans l’IA. C’est le cas du prix “Les Margaret” récompensant chaque année des femmes entrepreneures et intrapreneures dans le secteur IT. De plus, des entreprises comme Allianz ont mis en place des formations accessibles à tous leurs collaborateurs, même ceux non spécialisés en IA. Epitech, dirigée par Laura Hassan, première femme dirigeante de l’école, intègre davantage l’IA dans sa pédagogie et œuvre à la réduction des biais algorithmiques. La French Tech met également en avant les talents féminins avec des initiatives telles que le Pacte Parité, qui rassemble plus de 700 signataires. En signant ce pacte, les entreprises s’engagent à adopter des mesures en faveur de l’égalité des chances entre les sexes. Aujourd’hui, 30 % des start-up du programme French Tech 2030 sont dirigées ou co-fondées par des femmes.
La sensibilisation des jeunes filles dès le plus jeune âge aux sciences et à l’IA, de promouvoir des modèles féminins dans la tech et de lutter activement contre les biais algorithmiques, est également un levier. Par ailleurs, des politiques publiques doivent être mises en place pour encourager les femmes à s’orienter vers les filières STEM et l’IA. C’est en favorisant une plus grande diversité au sein de ce secteur stratégique que l’IA pourra réellement devenir un moteur de progrès social, représentatif et équitable pour toutes et tous.
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