À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) redéfinit les frontières technologiques mondiales, le Sénégal s’affirme comme un acteur ambitieux en Afrique de l’Ouest. Entre stratégies nationales, projets innovants et défis persistants.

1. Les initiatives structurantes : Une vision nationale ambitieuse

Le Sénégal a élaboré une Stratégie Nationale sur l’Intelligence Artificielle (SNIA) visant à positionner l’IA comme un catalyseur du Plan Sénégal Émergent (PSE) et de l’Agenda 2050. Cette feuille de route, fruit d’une collaboration entre le gouvernement, l’écosystème numérique et des partenaires internationaux comme l’Union européenne, se concentre sur quatre axes :

Stimuler l’économie et l’emploi des jeunes via des projets comme Smart Agriculture (optimisation des rendements) ou Santé IA (amélioration des soins) .

Promouvoir une IA éthique et inclusive, alignée sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) .

Renforcer le leadership régional en devenant un hub technologique en Afrique de l’Ouest .

Garantir la souveraineté numérique par des infrastructures locales et une régulation adaptée .

Un budget de 30 milliards de FCFA est alloué à cette stratégie sur cinq ans, avec des partenariats clés (Meta, Google AI) pour des centres de calcul et des formations .

2. Opportunités : L’IA, levier de transformation

Éducation

Le Sénégal a lancé la Stratégie Numérique pour l’Éducation 2025-2029 (130 milliards de FCFA), intégrant l’IA pour personnaliser les apprentissages, automatiser les tâches administratives et améliorer l’accès équitable aux ressources, notamment en zones rurales . L’UNESCO soutient cette démarche pour former des citoyens critiques face aux enjeux de l’IA .

Santé et agriculture

Des projets concrets comme Santé IA (diagnostics rapides) et Smart Agriculture (prédiction des récoltes) illustrent l’impact socio-économique de l’IA, avec un potentiel d’augmentation de 30 % des rendements agricoles selon la FAO .

Croissance économique

L’IA pourrait générer des emplois dans les TIC, attirer des investissements étrangers et dynamiser des secteurs clés comme les infrastructures et les services publics .

3. Défis à relever : Obstacles et risques

Infrastructures et connectivité

Le Sénégal se classe 123e sur 139 dans l’indice mondial de connectivité (2023), et le manque de données locales et de puissance de calcul limite l’innovation . Le ministre Alioune Sall souligne la nécessité d’améliorer les infrastructures numériques pour éviter un « échec de l’IA » .

Formation et compétences

Seulement 20 % des universités africaines proposent des cursus en IA. Au Sénégal, malgré des initiatives comme le Centre de Calcul de l’UCAD, le manque de programmes spécialisés freine la formation de talents locaux .

Financement et régulation

Si des budgets existent (7 milliards de FCFA pour la recherche sur deux ans), l’accès aux financements internationaux reste complexe. Par ailleurs, l’absence d’un cadre éthique robuste expose à des risques de biais ou de dépendance technologique .

Cybersécurité et concurrence régionale

La montée en puissance de pays voisins (Nigeria, Kenya) et les risques de cyberattaques nécessitent une vigilance accrue pour préserver la souveraineté numérique 

4. Perspectives : Vers une IA inclusive et durable

Pour réussir, le Sénégal doit :

• Investir dans l’éducation (formation des enseignants, cursus universitaires en IA).
• Développer des partenariats public-privé pour mutualiser les ressources.
• Renforcer les infrastructures (cloud souverain, centres de données).
• Adopter une régulation éthique, inspirée de la Déclaration de l’Union Africaine sur l’IA (2023) .

Comme le résume Thierno Ousmane BA, spécialiste en gestion des risques : « L’IA est une révolution incontournable. Pour le Sénégal, il ne s’agit pas de savoir si elle doit être adoptée, mais comment le faire de manière inclusive et durable » .

Conclusion

Le Sénégal incarne à la fois les espoirs et les complexités de l’IA en Afrique. Si les opportunités sont immenses (éducation, santé, économie), les défis infrastructurels, éducatifs et réglementaires demandent une action coordonnée. En combinant vision stratégique, collaboration internationale et ancrage local, le pays pourrait devenir un modèle d’IA éthique et transformative sur le continent.